La croissance est le rêve de toute entreprise. Mais lorsqu’elle s’accélère brutalement, ce rêve peut vite virer au cauchemar opérationnel. Là où on imaginait expansion, performance et dynamique collective, on se retrouve parfois face à une véritable tempête : turnover, perte de cohésion, erreurs stratégiques, tensions internes.
Dans cet article, nous explorons les leviers concrets pour structurer une équipe en forte croissance sans exploser en vol. Un article inspiré du témoignage de Richard Migout, opérationnel aguerri, passé par des contextes industriels intenses, où la croissance humaine était aussi forte que celle des indicateurs business.
Et pour les curieux, la vidéo intégrale de notre interview à la fin de cet article.
Ce que vous allez apprendre dans cet article :
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Pourquoi la croissance rapide déstabilise les équipes
➤ Dilution de la culture, perte de repères, surcharge des anciens et intégration difficile des nouveaux. -
Comment recruter vite sans sacrifier la cohérence
➤ Des profils adaptés à l’environnement, un filtre culturel et des process de sélection alignés avec la réalité du terrain. -
L’intégration comme clé de fidélisation
➤ Onboarding structuré, mentorat interne et objectifs à 30/60/90 jours pour éviter le « désert » post-recrutement. -
Le rôle essentiel des managers intermédiaires
➤ Soutien, formation express, reconnaissance : sans eux, l’organisation ne tient pas dans la tempête.
1. Comprendre ce que la croissance fait à l’équipe
Lorsqu’une entreprise passe de 50 à 100, puis 150 collaborateurs en quelques mois, le changement est bien plus qu’une question de métriques RH. Il s’agit d’un choc culturel profond.
Les anciens perdent leurs repères. Ce qui faisait la singularité de l’entreprise (valeurs, manière de travailler, esprit d’équipe) se dilue. Les nouveaux n’ont pas les codes implicites. Ils arrivent dans une structure mouvante, sans histoire partagée, sans mode opératoire clair, parfois sans manager formé.
Richard le dit clairement : « La cohésion se perd non pas parce que les gens ne s’entendent pas, mais parce qu’ils ne savent plus sur quoi ils sont alignés. »
C’est le décalage de tempo qui crée le risque : certains avancent sur les anciens schémas, d’autres cherchent des repères, pendant que l’organisation tente tant bien que mal de se réinventer.
2. Recruter vite, mais pas à l’aveugle
Dans une phase de croissance, le recrutement devient un réflexe de survie. On cherche des bras, des cerveaux, du renfort. Le risque est alors de recruter dans la précipitation, au détriment de la compatibilité culturelle, de la cohérence d’équipe et de la vision long terme.
Voici quelques pratiques pour concilier vitesse et discernement :
- Utiliser des grilles d’évaluation adaptées au stade de maturité de l’entreprise : un profil parfait pour une grande structure peut être contre-productif dans une PME en transformation.
- Intégrer un filtre culturel dans le processus de recrutement : attitudes face au changement, posture en période floue, autonomie.
- Faire valider les profils par les opérationnels, pas uniquement par les RH ou la direction.
Richard souligne : « Le bon candidat n’est pas celui qui a les compétences, c’est celui qui sait apprendre vite et se repère dans le chaos. »
3. L’intégration : la vraie phase critique
Un recrutement réussi ne se mesure pas à la signature du contrat, mais à la capacité du collaborateur à s’ancrer durablement dans l’équipe. Et c’est là que l’onboarding prend toute son importance.
Dans les entreprises en croissance rapide, l’intégration est souvent le point faible. Pourquoi ?
- Parce que personne n’a le temps de former.
- Parce que les process sont encore en construction.
- Parce que les managers sont eux-mêmes débordés.
Et pourtant, c’est le moment déterminant où se joue la fidélisation. Voici quelques bonnes pratiques issues de l’expérience terrain :
- Mentorat interne : chaque nouvel arrivant est parrainé par un opérationnel volontaire.
- Parcours d’intégration modulable : pas besoin d’un e-learning de 3h, mais des modules courts, accessibles, avec des cas concrets.
- Objectifs clairs à 30 / 60 / 90 jours : pour cadrer la montée en compétence et créer un sentiment de progression.
Richard raconte : « On a perdu de bons profils car on les a laissés seuls les 15 premiers jours. Ce n’est pas un problème de motivation. C’est un problème de désert. »
4. Maintenir la cohésion dans un environnement mouvant
Plus l’équipe grandit vite, plus le lien humain est essentiel. Or, en hypercroissance, tout pousse à l’inverse : les projets s’enchaînent, les collaborateurs ne se croisent plus, les managers manquent de temps.
Voici des outils simples pour renforcer la cohésion :
- Rituels d’équipe courts mais réguliers : daily stand-up, débrief hebdo, points équipe.
- Moments d’échange non-opérationnels : déjà vu, mais souvent abandonnés en période de rush.
- Transmission horizontale : encourager les anciens à former les nouveaux, reconnaissance de ce rôle dans la fiche de poste.
La clé est de créer des espaces de respiration collective, même s’ils sont courts. L’équipe doit se souvenir qu’elle avance ensemble, pas en silo.
5. Accompagner les managers intermédiaires
Les managers de proximité sont les amortisseurs de la croissance. Ce sont eux qui reçoivent la tension des équipes, les changements stratégiques, les ajustements opérationnels.
Et pourtant, ce sont souvent les grands oubliés de la transformation. Peu formés, pas coachés, trop chargés, ils finissent par s’épuiser.
Voici quelques actions pour les soutenir :
- Formations ciblées en mode « flash » : 2h sur un sujet clé (gérer les conflits, déléguer efficacement, animer une équipe hybride).
- Coaching ou codéveloppement : espace d’échange entre pairs pour mutualiser les bonnes pratiques.
- Reconnaissance explicite de leur rôle : lors des comités, dans les rétrospectives, etc.
Comme le dit Richard : « Un bon manager de terrain vaut 10 consultants. Encore faut-il le former et lui laisser un peu d’air. »
Conclusion : la croissance ne justifie pas la casse humaine
Grandir vite est une chance. Mais cela n’a de sens que si l’équipe suit, si les collaborateurs tiennent, si la culture perdure. Structurer une équipe en forte croissance, ce n’est pas ralentir l’ambition : c’est assurer sa durée.
Lucidité, systématisation des rituels, accompagnement managérial, intégration active : voilà les fondations d’une croissance saine.
« La croissance n’use pas les organisations. C’est l’absence de préparation qui les détruit. » Richard Migout